Les modes : une réaction aux schémas
En thérapie des schémas, le concept de "modes" est utilisé pour travailler sur les schémas et mieux comprendre ce qu’il se passe pour vous à chaque instant. Les modes sont comme des parties de nous qui s’activent selon les situations pour réagir à des émotions et besoins. La différence entre un schéma et un mode, c’est qu’un schéma ne change pas ou peu (il reste ancré depuis l’enfance et il demande un travail sur soi pour diminuer) tandis qu’un mode change régulièrement (passant d’un mode à l’autre au sein d’une même journée).
Par exemple, une personne qui souffre d’un schéma “carences affectives” va souffrir du fait de ne pas se sentir suffisamment aimé. Pour faire face à la souffrance du schéma, différents modes peuvent être adoptés (e.g. se mettre en colère face au manque d’amour, ou chercher à être aussi gentil et aimable que possible, ou se couper de ses émotions pour ne pas ressentir le manque d’amour, etc…).
Les modes offrent ainsi une grille de lecture idéale pour comprendre pourquoi nous réagissons de certaines façons (avec des comportements parfois inadaptés ou contradictoires). Cela permet de relier nos réactions (MODES) à nos croyances (SCHEMAS). En comprenant quel mode est actif, il devient plus facile de prendre du recul, de sortir des automatismes et d’adopter une réponse plus adaptée à la situation.
Ci-dessous vous trouverez chacun des différents modes (i.e. parties de soi). Nous avons tous chacun de ces modes. Ils interviennent ensuite plus ou moins dans notre quotidien selon nos automatismes et les modèles qu’on nous a donné enfant sur la façon de réagir face à nos propres besoins et notre propre souffrance.
Les différents modes et leurs fonctions respectives
Au cœur des modes, il y a l’Enfant vulnérable. C’est la partie sensible en vous, celle qui ressent souffre car ses besoins ne sont pas satisfaits. C’est une souffrance lié à un schéma que vous avez vécu enfant et que vous continuez de ressentir à chaque fois que votre schéma est activé par les situations rencontrées. L’enfant vulnérable, c’est comme une blessure à vif qui n’a jamais cicatrisé (parce qu’on n’en a pas pris soin) et qui continue de faire mal quand on appuie dessus. C’est cette partie de vous qui ressent les émotions de tristesse, de peur, d’impuissance, d’anxiété, de culpabilité, etc... L’enfant vulnérable peut douter de lui, se sentir mal aimé, sans valeur, fragile, etc... L’enfant vulnérable ressent cette souffrance car il a des besoins (affection, sécurité, indépendance, etc…) et ces besoins ne sont pas satisfaits.
Le mode “Voix critiques” est une part de soi qui agit un peu comme un manager intérieur, souvent très dur et exigeant. Face à la souffrance de l’enfant vulnérable, les voix critiques vont critiquer (e.g. “arrête de te plaindre, t’exagères”, “tu devrais être plus fort”), imposer des exigences irréalistes (e.g. “tu devrais être parfait”, “tu dois prouver que tu mérites d’être aimé”) ou minimiser la souffrance (e.g. “c’est pas si grave”, “les autres ont vécu pire”). Les voix critiques empêchent de prendre soin de l’enfant vulnérable et de ses besoins. Elles accentuent au contraire la souffrance par des critiques, de la culpabilité ou en imposant des règles rigides. Ces voix critiques sont souvent issues des réactions que nos parents avaient vis-à-vis de nous enfant quand nos besoins n’étaient pas satisfaits. Ces remarques, ou les choses qu’on a ressenti face à la négligence de nos besoins, sont internalisées et continuent d’être perpétuées par les voix critiques.
En résumé, la souffrance est d’abord créée par les besoins insatisfaits de l’enfant vulnérable, puis renforcée par la culpabilité des voix critiques. Il est très difficile d’être en contact avec cette souffrance (comme une blessure à vif qui continue d’être douloureuse). C’est pourquoi différents modes émergent avec pour rôle de soulager la souffrance de l’enfant vulnérable. Ces modes sont dysfonctionnels, dans le sens où la gestion de la souffrance ne passe pas par des stratégies saines (les besoins sous-jacents ne sont pas comblés). Ils vont permettre d’éviter le problème et donner l’illusion de le régler (comme cacher une plaie ouverte et éviter d’y toucher, mais sans permettre la cicatrisation). Il y a 4 modes d’adaptation dysfonctionnels :
Le conciliateur correspond à une forme d’effacement. Plutôt que s’affirmer dans ses besoins, ce mode se montre aussi consensuel que possible et s’adapte aux autres par peur du conflit ou du rejet. Le conciliateur cherche l’approbation et se dévalorise. Il tolère les mauvais traitements et trouve des excuses pour les cautionner. Le conciliateur ne pose pas de limites (i.e. “je préfère faire ce qu’on me demande, ce sera plus simple”). Il n’exprime pas ses besoins (i.e. les besoins de l’enfant vulnérable) et fait passer les besoins des autres avant les siens.
Le compensateur correspond à une forme d’attaque et un côté piquant. Quand il ressent de la souffrance et se sent blessé, il cherche en retour à blesser ou punir les gens qui ont déclenché cette souffrance. La logique du compensateur est de faire payer à l’autre ce que l’on ressent (“œil pour œil, dent pour dent” ; “j’aime pas que tu me fasses ressentir ça, je vais te faire ressentir la même chose et te punir”). En ce sens, plutôt que prendre soin de l’enfant vulnérable, le compensateur va rejetter la faute et la culpabilité sur l’autre. Les punitions du mode compensateur peuvent prendre différentes formes : des blagues acerbes, du passif-agressif, le “traitement du silence”, la violence verbale et physique, le contrôle, etc…
L’évitant actif, pour ne pas penser à toute la souffrance de l’enfant vulnérable, choisit de mettre en place pleins de comportements d’évitement. Cela lui permet de ne pas être en contact avec tous les besoins insatisfaits et la souffrance. Pour se dissocier de l’enfant vulnérable et l’ignorer, il peut avoir différents types de comportements relaxants ou stimulants, par exemple en se plongeant dans le travail, dans le sport, dans l’alcool et les drogues, dans la nourriture, dans un sommeil excessif, dans le divertissement et le temps en ligne, etc… En règle général, l’évitant actif cherche à maintenir son esprit occupé pour ne pas penser à la véritable souffrance qui l’agite (i.e. l’enfant vulnérable et ses besoins).
Le protecteur détaché est un mode qui consiste à se détacher émotionnellement pour se protéger de la souffrance de l’Enfant Vulnérable. Il met un mur entre lui et l’enfant vulnérable pour ne pas entendre sa souffrance et ses besoins. Il se met en retrait émotionnel lorsqu’il est vulnérable. Il ne va rien dire, ou banaliser ce qui lui arrive. Si on écoute le protecteur détaché, il va dire que “tout va bien” car il n’a pas conscience de la souffrance profonde : il est dissocié. Le protecteur détaché ressent peu d’émotions et donne une fausse impression de stabilité. En réalité, il ne répond pas aux besoins de l’enfant vulnérable : il les ignore (comme une personne ayant une blessure à vif mais qui nie l’existence de cette blessure en la cachant sous sa manche).
Ces 4 modes d’adaptation sont utiles pour éviter d’être en contact permanent avec les besoins de l’enfant vulnérable. Pour autant, ils ne règlent pas le problème de fond : l’enfant vulnérable souffre car il a des besoins affectifs qui ne sont pas remplis. Ainsi, il ne s’agira pas d’éviter cette souffrance, de la fuir ou de la compenser. L’objectif sera de répondre à ces besoins et prendre soin de l’Enfant Vulnérable.
C’est le rôle du mode Adulte Sain. Il s’agit du mode qui va apporter des réponses saines aux besoins qui émergent. Cela va permettre non pas d’éviter la souffrance mais d’y répondre adéquatement pour qu’elle disparaisse ensuite. L’adulte sain s’intéresse à la souffrance de l'Enfant Vulnérable et ce dont il a besoin. L’adulte sain est orienté vers les solutions et permet de communiquer sainement la souffrance de l’enfant vulnérable. L’adulte sain n’est ni hérisson (compensateur), ni paillasson (conciliateur). Il s’apparente au tempérament assertif d’un parent qui va agir dans l’intérêt de son enfant : l’adulte sain s’affirme dans le respect, la communication et la transparence. L’adulte sain a trois fonctions : prendre soin des besoins de l’enfant vulnérable, s’affirmer dans ses besoins face aux personnes capables de communiquer, mettre des limites face aux personnes abusives ou négligentes.
La plupart des patients viennent en thérapie car ils utilisent des modes dysfonctionnels. Ces modes ne permettent pas d’apporter une réponse adéquate à leurs schémas et cela amène les schémas à se perpétuer. Pour qu’une réponse adéquate soit apportée et que les schémas diminuent en intensité, deux grandes étapes sont nécessaires :
Apprendre à écouter l’Enfant Vulnérable et ses besoins. Est-ce que je me sens blessé par la situation ? Quelle émotion je ressens ? Quel schéma a été activé ? De quoi l’enfant vulnérable a-t-il besoin à ce moment-là pour se sentir mieux ? Cette capacité d’écoute de l’Enfant Vulnérable est un axe de travail important en thérapie.
Engager un dialogue entre l’Enfant Vulnérable et l’Adulte Sain. Une fois que les émotions et les besoins ont été cernés, quelle réponse peut être apportée pour répondre à ce besoin ? Il ne s’agit pas d’ignorer le besoin, de réagir avec agressivité ou de s’effacer face à autrui. Il s’agit de s’affirmer dans ses besoins et en prendre soin. Cette posture d’adulte sain est travaillé en thérapie.
Pour plus d’informations ou en cas de questions par rapport à ce modèle psychothérapeutique et l’approche des modes, veuillez vous rapprocher d’un·e psychologue spécialisé·e en thérapie des schémas.